Eté 2016, à quelques semaines d’intervalle, deux glaciers de la cordillère Aru se sont largement effondrés à près de 5.000 mètres d’altitude. Libérant entre 60 et 80 millions de mètres cubes de glace chacun. L’avalanche de glace du premier effondrement a même causé la mort de 9 personnes. Ce jour-là, un glaçon de 6 kilomètres de long par 2,5 de large – et jusqu’à 13 mètres d’épaisseur – avait glissé dans la vallée en quelques quatre à cinq minutes. La violence et le caractère très soudain de ces mouvements de glace a alerté les scientifiques. Plusieurs laboratoires de recherche se sont penchés sur les mécanismes ayant conduit ces deux glaciers à perdre ces immenses volumes de matière. Le réchauffement climatique est en question, mais pas seulement.
Ce phénomène n’était pas une première mais presque. Seul événement similaire : en septembre 2002 sur le glacier Kolka, dans le Caucase. La région était plus densément peuplée et ce ne sont pas moins de 140 habitants qui avaient été tués. Les images de roche nue suite à l’effondrement du glacier laissaient penser, dès cette époque, que ces glaciers n’étaient plus gelés en profondeur. Si les glaciers sont généralement gelés jusqu’à leur base, ce ne semblait pas être leur cas.
Les raisons
Les rares relevés météorologiques de cette région tibétaine sont formels. En cinquante ans, les températures moyennes ont grimpé de près de 2°C. Plus récemment, ce sont les précipitations qui ont été transformées. Dans les dernières années précédant les effondrements, la pluie et la neige avaient été particulièrement importantes. En utilisant des données satellitaires pour compléter ces premiers éléments, les chercheurs sont arrivés à modéliser l’évolution de ces deux glaciers tibétains au fil des années.
Il semblerait que la partie centrale des glaciers se soit singulièrement réchauffée, pendant que le front et la partie supérieure restaient plus solides. Pendant cette période, les eaux de fonte ont pénétré au plus profond du glacier, en quantité très importante. Ce phénomène est observable sur d’autres glaciers de la région, mais ces deux là ont une particularité supplémentaire. Le sol sur lequel ils sont installés ! Ces glaciers tibétains sont situés sur un mélange de sable et d’argile assez fragile. Cet afflux d’eau liquide aura littéralement décollé le glacier à sa base.
Les derniers jours avant les effondrements, la pluie a redoublé sur la région, scellant définitivement le destin de ces immenses glaciers. Les scientifiques encouragent les autorités locales à surveiller de plus près d’autres glaciers de la région qui pourraient être victimes du même genre d’événement.
Image satellite post-avalanches
Le cercle supérieur est la première avalanche. La seconde est en-dessous. Avant ces épisodes, ces zones cerclées de rouge ne contenaient pas du tout de glace.
Enfin cette animation montre deux images satellites prises à une quinzaine de jours d’intervalle, avant et après la première avalanche.
Illustrations : NASA Earth Observatory images by Joshua Stevens and Jesse Allen. Plus de détails sur cette publication de début 2018 : publication CNRS.